dimanche 16 octobre 2011


« De 3 en 3, Notre Monde du Nouveau Monde » : un voyage de sculptures. L’exposition de Javier Marin à Pietrasanta en 2008

Introduction


L’art est souvent une occasion de dialogue entre différentes cultures. L’exposition dans un contexte public se présente comme une rencontre qui est toujours différente selon l’espace et le temps dans lesquels elles s’insérent. Pourtant, il n’est pas facile de réussir cette rencontre, l’artiste doit bien réfléchir pour que le spectateur soit attiré par les œuvres. En même temps, il faut trouver un équilibre entre la sollicitation du public et "l’invasion" de son espace. Nous voyons ainsi que l’art in situ ne pose pas seulement des problèmes esthétiques mais aussi éthiques. L’exposition est en rapport direct avec le monde, l’œuvre n’est pas isolée de la réalité, elle se confronte avec la vie quotidienne du spectateur.
Dans notre article, nous nous occuperons d’une expérience faite à la première personne. Il s’agit de l’exposition « De 3 en 3 » du sculpteur mexicain Javier Marin, né en 1962 à Oaxaca. Elle a été créée ex profeso pour Pietrasanta, une petite ville toscane proche de la Mer Méditerranée. Nous irons analyser les œuvres exposées sur la Place du Dôme puisqu’elles entretiennent un contact immédiat avec la ville et le public. Nous voudrons comprendre quel genre de dialogue les sculptures offrent avec le contexte et quelle est la place du spectateur dans ce dialogue. Notre première impression a été celle d’un voyage accompli par les œuvres. Non seulement elles paraissent se mouvoir sur la Place du Dôme, mais elles semblent aussi liées l’une l’autre dans une narration commune. De plus, l’exposition « De 3 en 3 » a eu lieu dans d’autres villes européennes. Cette information produit un effet étrange pour ceux qui ont vu les sculptures à Pietrasanta. S’agit-il d’un déracinement ? Elles semblent plutôt continuer leur voyage, hors du lieu pour lequel elles ont été conçues.
D’abord, nous essayerons de comprendre comment est-il possible que des œuvres en résine puissent nous sembler en mouvement. Nous nous demandons si la narration qui vient se créer sur la Place du Dôme naît d’une volonté précise de Javier Marin et si elle contribue à l’achèvement de ses œuvres. Enfin, « De 3 en 3 » nous a ouvert une problématique plus vaste. L’art, peut-il devenir le champ pour un dialogue souhaitable entre des cultures ? Le sous-titre de l’exposition est « Notre Monde du Nouveau Monde », Javier Marin amène ses sculptures à Pietrasanta justement pour créer une rencontre entre deux réalités différentes. Le spectateur, comment peut-il la traduire ? Nous examinerons le rapport entre œuvres, ville et public afin d’aboutir à une réponse.
Premièrement, nous présenterons le lieu de l’exposition, Pietrasanta. Pour ce faire, nous écrirons à la première personne du singulier, car il s’agit d’impressions particulières. Ma relation avec cette ville dure depuis toujours, étant donné qu’elle se trouve dans ma province natale. Par conséquent, j’abandonnerais la formalité du pluriel afin de souligner qu’il s’agit des sensations subjectives et non pas d’une analyse détachée. Cela me permettra d’ouvrir une vision d’ensemble des sculptures de Javier Marin exposées sur la Place du Dôme : Cabezas, Barbudo gigante et Caballos (2008).
Dans la deuxième partie, je tournerai au "nous"  pour analyser les œuvres d’un point de vue objectif, en utilisant les contributions critiques sur l’exposition ainsi que des références par rapport au medium de la sculpture et aux origines de Javier Marin. Nous verrons comment ces dernières se manifestent par les œuvres et provoquent dans le public une sensation d’étrangeté. Les recherches pour cette partie seront visées à expliquer la sensation du mouvement que les sculptures sur la Place du Dôme ont suscité en nous. À partir de là, il sera possible de montrer que les œuvres n’ont pas seulement du sens en elles-mêmes, mais elles le trouvent aussi dans leur interaction. Nous ouvrirons ainsi un chemin pour poser les considérations finales de notre analyse.
Enfin, nous prendrons en analyse la narration dont Cabezas, Barbudo gigante et Caballos sont les protagonistes. Nous réfléchirons d’avantage sur le titre et le sous-titre de l’exposition de Javier Marin. Grâce à cela, nous pourions tenter de donner une explication à l’impression d’"œuvres en voyage" rassentie au tout début du parcours de « De 3 en 3 ». De plus, nous aurions ainsi un fondement pour examiner où se situe la place du public dans la rencontre entre les sculptures et la ville. Dans cette sensation initiale d’étrangeté face aux œuvres, pouvons-nous en tirer le message de l’artiste ? Dans cette distance et, en même temps, procheté du spectateur avec le monde de Javier Marin, n’est-elle pas cachée la difficulté de la rencontre entre cultures ? Ces questions ouvrent le champ à des problèmes éthiques, tels que ceux de la connaissance d’autrui, l’homologation ainsi que de la place de l’art dans le contexte de la globalisation. Nous essayerons de comprendre comment le dialogue est mis en place par cet artiste afin de comprendre ses possibles réponses.
Nous ne prétendons pas de donner une solution exhaustive à toutes les questions posées. Pourtant, nous voudrons essayer de trouver de possibles réponses, à travers l’exposition « De 3 en 3 » de Javier Marin à Pietrasanta en 2008.



Ce que j’aime est Pietrasanta…


Pietrasanta a toujours été pour moi l’occasion de me sentir en voyage dans un “proche-lointain“. Elle se trouve à une demi-heure de voiture de ma ville natale, Lucca, et pourtant elle me semble, encore aujourd’hui, une destination exotique.
Une explication à cela est que Pietrasanta se définit comme lieu de villégiature. À partir du printemps, les environs se remplissent d’étrangers et d’Italiens du Nord qui ont une maison parmi les oliviers et la végétation maritime. Dans le centre historique, ils arrivent avec les langues, les dialectes et les habitudes de leur région. Dans cette période, il est possible de voir les Allemands dîner à six heures, les Espagnols à vingt et une heures au moment où les jeunes de la province commencent leur apéritif avant de disparaître dans les boîtes de nuit sur la plage.
D’ailleurs, Pietrasanta a toujours été un endroit de passage. Située sur une colline entre les Alpes Apuanes et la mer Méditerranée, elle fait partie de la Via Francigena, voie qui liait Rome aux colonies trans-alpines, « plus qu’une rue dans le paysage, elle était un réseau mobile formé par une multiplicité des chemins qui changeaient ou se bâtissaient pendant le trajet »[1].
Sa position privilégiée contribue à faire de Pietrasanta une ville de vacances mais aussi une ville d’art. Elle est proche des caves de marbre de Carrare et même Michel-Ange y a séjourné longtemps (vers 1516-1520 ) pour travailler à ses œuvres. Tout autour du centre historique, de la colline jusqu’à la mer, nous pouvons repérer les ateliers de cette pierre illustre, où les techniciens travaillent sur les maquettes des artistes ou forment les apprentis. La tradition sculpturale du marbre a ouvert la route aux fonderies d’art mais aussi aux galeries qui sont très nombreuses compte tenu des dimensions réduites de cette “petite Athènes". Non seulement il s’agit d’un lieu magnifique du point de vue naturel, mais il devient le pays des merveilles pour tout artiste. Par conséquent, je ne suis pas surprise que des sculpteurs comme Fernando Botero et Igor Mitoraj aient leur atelier à Pietrasanta. Le premier y habite toute l’année, le deuxième s’y rend surtout l’été. Des sculptures exposées dans le centre historique témoignent de leur présence. Ces dernières, avec celles d’autres artistes reconnus internationalement, font de Pietrasanta un musée en plein air.

Chaque année, « comme un rendez-vous d’été nécessaire, arrive l’élite des critiques, des connaisseurs et des galeristes. L’artiste qui a été choisi pour occuper la saison artistique de Pietrasanta est conscient d’avoir passé une sélection sévère et de confronter son œuvre à l’examen implacable d’un public d’exception. »[2]
En 2008, Javier Marin a eu ce privilège. Avant de le voir exposé à Pietrasanta, je  n’avais  jamais entendu parler de ce sculpteur mexicain qui, pourtant, avait présenté ses œuvres à Venise, pendant la 50ème Biennale en 2003.
C’est grâce à ma mère, qui avait vu l’exposition avant moi, que j’ai pu découvrir l’univers de Marin. Nous sommes allées ensemble à Pietrasanta un samedi de juillet. Elle avait voulu y retourner pour le voir sous une lumière différente, celle du soir d’été. Après avoir garé la voiture, nous avons pris la rue principale vers la Place du Dôme. Ce chemin permet de s’immerger dans l’air de Pietrasanta et de se préparer au spectacle de l’agorà. Ici, le blanc du marbre du Dôme de Saint Martin (XIII-XIVème siècle) et de l’église de Saint Augustin (XIVème siècle) se confronte à la terre cuite rouge de la tour des heures. Toute l’activité culturelle de Pietrasanta est rassemblée sur cette place : le théâtre municipal, le musée archéologique et le centre Luigi Russo avec sa bibliothèque et le musée des dessins préparatoires. L’architecture est en grande partie romane. Cependant, j’ai toujours trouvé étrange le style de l’église de Saint Augustin. En effet, son campanile baroque lui confère un air oriental, mauresque, comme si on était dans le Sud de l’Espagne.
La présence de tous ces monuments laisse au milieu un espace assez étendu, ce rectangle vide est  rempli d’enfants qui jouent, d’artistes de rue et de gens assis sur les marches des églises et aux cafés. Ici, les anciens jouent aux cartes et les touristes se reposent. Tout cela est entouré à l’est par une colline d’oliviers qui semblent être les spectateurs d’une pièce théâtrale puisque la place du Dôme n’est jamais vide pendant l’été et il est toujours intéressant de voir comment elle change selon les œuvres qui y sont exposées.

Avec une expérience assez longue d’expositions à Pietrasanta, je peux dire que celle de Javier Marin a été la seule qui a su le mieux s’intégrer. Quand le spectateur arrive au bord de l’esplanade, la scène qui s’ouvre face à lui est une véritable narration, un spectacle dont les protagonistes sont les sculptures. D’abord, je suis restée stupéfaite par la grandeur et les couleurs des œuvres de Marin. À droite, trois têtes rouges forment un cercle et obligent le spectateur à se déplacer pour être vues. Les enfants y trouvent l’occasion pour se cacher et les anciens du café « Michelangelo » les regardent avec méfiance. Les neuf chevaliers qui se trouvent sur la gauche, se dirigent vers l’entrée de l’église de Saint Augustin. Ils semblent sortis du Don Quichotte de Cervantès, personnages d’une histoire ; de l’Histoire peut être, celle de la conquête de l’Amérique par les Espagnols ou d’une des batailles du passé. Ils sont élevés sur des colonnes de trois mètres, à la hauteur de la statue de Léopold II face au Théâtre communal. Par conséquent, le spectateur est obligé de regarder en haut et il peut profiter d’une vision totale, seulement depuis le fond de la place. Un des chevaliers se trouve juste en face de la porte de l’église de Saint Augustin et il semble inviter à parcourir la suite de l’exposition.
Il est toujours étrange de se confronter avec son propre double tridimensionnel. Cependant, les sculptures de Marin ne renvoient pas à un "ici et maintenant" mais plutôt au "là-bas", dans un autre temps. J’ai ressenti précisément une sensation d’étrangeté même s’il s’agissait de représentations humaines figuratives. Les sculptures affirment leur identité étrangère, peut-être celle de l’artiste, sans asoujetir la nôtre. L’exposition de Marin devient alors le territoire d’un dialogue entre cultures qui se juxtaposent. Cette rencontre laisse coexister les deux réalités et le spectateur ne peut que les reconnaître et essayer de traduire leur discours.
Les sculptures nous obligent à créer un parcours qui les inscrivent dans la temporalité de notre perception. Par conséquent, l’expérience esthétique de chaque œuvre se lie dans un ensemble qui forme une narration. Autrement dit, le photogramme de chaque sculpture se transforme en film. Les têtes et les chevaliers nous plongent dans un espace-temps en tension vers d’autres lieux ; ils semblent échapper à l’immobilité de la matière et suspendre le présent pour s’insérer dans une boule. Nous croyons que cette dimension atemporelle et "atopique" est née de la rencontre des œuvres avec la ville. D’un côté le Mexique, de l’autre la Toscane, d’un côté l’imaginaire de l’artiste avec ses racines et son génie, de l’autre l’architecture romane et la rationalité urbaine de Pietrasanta.
Cependant, si l’insertion d’une œuvre d’art en ville peut toujours renvoyer à une autre dimension et la sculpture communiquer le mouvement malgré le matériau, l’exposition de Marin a comme particularité le fait d’être créé ex profeso pour Pietrasanta.  En d’autres termes, étant donné que l’artiste a conçu lui-même les œuvres et leur mise en espace pour ce contexte précis, le voyage fait partie du concept de réalisation. Dans la deuxième partie de notre article, à partir des sculptures exposées sur la place du Dôme, nous essayerons de montrer d’où vient cette impression de voyage, comment et pourquoi l’artiste arrive à l’exprimer.



Attention ! Œuvres en mouvement


Javier Marin a travaillé pendant un an entier seulement aux sculptures pour l’exposition de Pietrasanta. Comme l’a dit l’architecte Giulio Lazzotti, la place du Dôme et l’église de Saint Augustin sont des lieux très particuliers, « il faut penser des œuvres appropriées, surtout de grandes dimensions afin qu’elles ne s’évanouissent pas et aient un rapport de cohabitation et non pas de compétitivité avec le contexte qui les entourent »[3]. Par conséquent, dans l’atelier à Mexico, vingt personnes ont collaboré avec l’artiste.
L’exposition est conçue comme un parcours que le spectateur doit accomplir. Nous décrirons les sculptures situées sur la Place du Dôme pour proposer, à la fin de cette partie, une meilleure vision globale. Les trois têtes, Cabezas et Barbudo gigante (2008), se trouvent à l’opposé de l’église de Saint Augustin. Elles renvoient à la perfection et à la symétrie classique et pourtant les nient en étant des fragments. Il s’agit de visages, exposés sens dessus dessous ou de côté, comme les restes d’anciens colosses. En effet, ces têtes possèdent la fascination des ruines, soient-elles grecques, mexicaines ou d’aujourd’hui. Les cheveux bouclés, qui les soutiennent sur le sol, rappellent ceux d’une Méduse baroque qui essaye de retourner debout. Les traits du visage ne suggèrent pas un sexe précis. Nous pouvons seulement affirmer la masculinité d’une des têtes par son nom, Barbudo gigante, et car les boucles de ses cheveux se confondent avec celles de sa barbe.
La résine, dont les Cabezas et Barbudo gigante sont composées, est le matériau le plus aimé par l’artiste ; il est possible de le mélanger avec d’autres éléments ainsi que des couleurs. En plus, elle permet de retravailler la matière quand on a abouti aux dimensions finales.
Marin aime laisser visibles les procédés de création. Il n’a pas l’intention de cacher la division organique des sculptures, il la souligne plutôt avec des boulons et des plaques métalliques. « Cela fait partie d’une esthétique que je ne veux pas cacher, au contraire, je veux l’intégrer pour montrer un travail plus dense »[4], affirme l’artiste. Par conséquent, le spectateur peut s’apercevoir des différentes parties qui composent ces têtes de cinq mètres de hauteur. Elles sont fragmentaires, comme un verre bricolé dont on voit encore les sutures, les cicatrices.
Même en restant figuratif et très lié aux formes classiques, Marin ne peut pas être défini par un seul style. D’un côté, la tradition sculpturale précolombienne est présente dans ses œuvres à travers les yeux de jaguar et les bouches entrouvertes. De l’autre, le Baroque avec des formes rondes et une "boulimie" de matière, se montre comme l’expression de la conquête espagnole. À cela il faut ajouter toute la tradition européenne que Marin a apprise à l’Académie San Carlo au Mexique, plus évidente dans les corps que dans les visages sculptés.
L’œuvre de cet artiste est un métissage, un mélange des cultures que lui même a vécus, directement ou indirectement, et qu’il transmet dans son travail. « Il a la nostalgie de la forme classique et il la contredit à la fois avec une détermination consciente. Il cherche la démesure et il en est fasciné. Il frise le kitsch et il le contrôle en même temps et le domine grâce à une pure force de style. »[5]
Le Baroque pour Marin n’est pas une simple influence stylistique, il devient la possibilité d’augmenter la sensation de mouvement dans les sculptures, mouvement intérieur et extérieur des formes. « Le Baroque est légitimation de l’hyperbole, de la transgression et de l’extrémisme, il est le passe-partout vers les territoires inconnus de la fantaisie, de l’utopie, du rêve, du cauchemar. »[6] Le Baroque naît en Italie comme forme de l’excès et de la densité, il est l’apparence extérieure du vide de l’église catholique après la Contre-réforme. Arrivé au Mexique avec les colonisateurs espagnols, il assume des aspects différents par rapport à ces européens. « Terre conquise, terre d’ambre et terre de rêves : le Baroque américain est l’art des carences ; il est l’abondance imaginaire de ceux qui ne possèdent aucune chose ; il est le saut mortel dans le précipice avec l’espoir de tomber, débout, de l’autre côté. »[7]
Les volumes, l’"ultra-matérialité" des Cabezas et du Barbudo gigante obligent le spectateur à se déplacer, à s’insérer dans le cercle que les têtes forment afin de les comprendre dans leur totalité. Dans cette danse autour des formes, nous ne pouvons qu’éprouver une sensation d’étrangeté, comme face à un double qui nous ressemble et qui pourtant nous parle d’un univers différent.
La sculpture est l’art de donner à la forme un pouvoir qui contribue littéralement à modeler « l’espace qui nous est commun. C’est cette efficience qui renvoie le spectateur à une expérience phénoménologique dont elle étend, par sa présence, les limites. La loi de la pesanteur pouvant être, dans certains cas, dépassée, le spectateur éprouve différemment sa propre corporéité à travers la forme plastique ainsi
libérée de la pesanteur. »[8] Les Cabezas et le Barbudo gigante nous renvoient à notre corporeité mais aussi à notre réalité. Elles appartiennent à l’univers de l’art et de leur créateur, leur étrangeté est la conséquence de l’altérité qui représentent au-delà de la simple matérialité.
Même dans l’immobilité qui les condamne, ces têtes renversées semblent se mouvoir, leur chair pousse vers l’extérieur, comme dans l’effort de rouler à la rencontre d’une autre possible unité corporelle. Marin explique qu’il y a un moment au cours du quel il sent avoir terminé son travail. Ce n’est pas lui qui décide, mais la sculpture qui se manifeste dans son autonomie et son indépendance. « Les corps auxquels il donne chaque fois une vraie vie sentent, frémissent sensiblement. Cependant, une telle sensation est dans leurs membres une condition de possibilité pour une vraie et propre grammaire de l’agir. Ils produisent du mouvement et ils se meuvent inquiets. »[9]

Les neuf chevaliers qui se dirigent vers l’église de Saint Augustin possèdent une capacité dynamique supérieure encore aux Cabezas et au Barbudo gigante. Ici, la résine est de trois couleurs différentes, chose qui donne un rythme à leur parcours. Les noirs sont les derniers, ils semblent des échecs sur la façade blanche du Dôme. Leurs armes sont pointées vers le ciel, un seul garde une posture rigide, militaire, un autre s’appuie sur la lance au lieu de la tenir, le dernier est plié sur lui-même. Dans ce triptyque, Marin montre la fatigue de ces hommes en voyage, dont les expériences vécues sont un poids sur la conscience. Après les noirs, les chevaliers blancs gardent respectivement les mêmes postures et les chevaliers rouges aussi. Les plus fatigués de ces derniers restent sur la place avec les autres, le troisième, encore en force, est presque à l’entrée de l’église.
Les Caballos suspendus sur leurs piédestaux, parcourent l’esplanade jusqu’à l’église de Saint Augustin, sur un fond d’oliviers, avec l’ancienne muraille de Pietrasanta. Les différentes postures et les couleurs rendent l’ensemble dynamique tant les chevaliers semblent galoper sur leurs chevaux. Ils se confrontent à la fixité de l’architecture romane et à la staticité des représentations de la Renaissance. En effet, la construction spatiale symétrique et proportionnelle de ces dernières ainsi que l’équilibre des volumes, heurtent contre la sensation de mouvement donnée par l’excès de la matière des sculptures de Marin. De plus, la perfection des formes et la netteté des blocs de marbre révèlent encore plus le non finito[10] des œuvres, leur surface fragmentée et brute.
Marin s’est servi d’une esthétique de l’inachèvement, mais aussi des études des futuristes sur le mouvement[11], pour conférer aux sculptures la capacité d’agir. Répétition et différence deviennent les outils pour transmettre l’image psychologique du mouvement, étant donné que l’image visuelle est possible seulement au cinéma.
    
Tout est mouvement sur la place du Dôme et la chose la plus intéressante est de voir comment le public suit le dynamisme des sculptures de Marin. Déjà le Baroque est un art qui invite au déplacement, étant donné qu’il ne réclame pas seulement une vision frontale. L’art Baroque est "circulaire" et pour être regardé il demande au spectateur de bouger. De plus, la sculpture est précisément le medium qui s’insère dans l’espace, elle ne le représente pas mais le modifie. L’espace dans lequel la sculpture se manifeste est le même que son observateur, cette relation tridimensionnelle contribue à la création d’un imaginaire commun entre œuvre d’art et réalité vécue. Roland Recht appelle cet espace interactif le locus, « rendu identifiable parce que des corps s’y rencontrent et agissent. »[12] 
La place du Dôme de Pietrasanta n’est pas seulement une occasion de rencontre entre des personnes biologiques ; au moment de l’exposition elle se transforme en locus. Il s’agit d’un lieu tant physique que mental « qui prend naissance grâce à la double contribution de la figure sculptée et de la présence du spectateur. […] Le locus ne résulte pas d’un dispositif classique qui régirait la rencontre entre la statue et les spectateurs, mais d’une énergie particulière qui serait émise par la sculpture – qui est elle-même le résultat d’une lutte entre des forces antagonistes : matériau et intention du sculpteur. »[13]
Pourtant, le locus n’est pas seulement la condition de l’expérience des œuvres par le spectateur. Il est lieu de rencontre de trois dimensions différentes : celle du spectateur, celle du contexte et celle de l’artiste à travers ses sculptures. Le locus  se présent alors comme un ailleurs, un espace qui renvoie à d’autres lieux sans s’identifier à aucun d’eux. Si, d’un côté, Pietrasanta est présente ici et maintenant pour le public de Marin, de l’autre elle accueille un autre monde ; cela se révèle dans son altérité mais e n’est pas facilement déchiffrable. Une traduction est à prévoir.
« Vie qui échappe à l’immobilité du simplement observable, vie qui se meut à l’agir, le muter, au devenir toujours nouveau, qui immunise de toute tentation d’un confortable stabilité.  Dans ce sens, ses figures n’ont vraiment pas une “maison” ; elles viennent d’une maison […] et la réfutent, la critiquent, la purifient d’impropres idolâtries. Elles viennent de la maison de l’humanité qui a toujours su faire l’expérience d’une lutte mortelle entre l’avant de l’animalité brute et l’après  de la quiète rationalité ; elles vont vers un habitat qui ne veut plus définir son propre oikos, et lui donner pourtant une collocation rigide. Il vont vers une instabilité se renouvelant infiniment. »[14]
            Depuis toujours, la question de l’identité est présente dans les pays qui ont été colonisés. Le syncrétisme culturel d’une mégalopole comme celle de Mexico, ainsi que les différences sociales ne forment pas une base commune, une maison. Cela n’empêche pas qu’on puisse se donner des destinations dans le futur.
La révolution mexicaine du 1910 a essayé de tisser le lien entre les civilisation précolombiennes et la modernité afin de trouver une identité nationale. Au début du siècle dernier, los muralistas comme Clemente Orozco (1883-1949) ou Diego Rivera (1886-1957), avec leur art public et engagé, sont devenus le symbole du Mexique et ils sont sortis de l’hégémonie de l’académisme européen. Dans leur patrie, ils sont regardés comme les symboles du nationalisme méxicain, parfois avec nostalgie et paternalisme, tandis que dans une vision mondiale ils sont plutôt libérés de « l’obligation de coller à l’histoire nationale. »[15]
Aujourd’hui, les jeunes artistes, qui habitent dans une ville "hétérogène" comme Mexico et voyagent à l’étranger, regardent du côté du primitivisme et de l’histoire de l’art de leur pays autant que du côté du cosmopolitisme. Ces concepts « ne sont pas en soi des valeurs irréfutables »[16], ils font partie de leur background esthétique. Dans l’œuvre de Marin, ce melting-pot mémorial transparaît dans les sculptures qu’il crée. « En effet l’artiste agit sur la matière, sur la substance; c’est-à-dire, sur le sensible : sur ce qui nous touche immédiatement et qui précède toute fatigue du concept. »[17] Alors, le spectateur sur la place du Dôme de Pietrasanta ressent une sensation d’étrangeté, il lui semble être tombé dans un univers qui n’est pas le sien et pourtant lui est proche.
« J’aimerais, à travers mes œuvres, être capable de toucher profondément les personnes, de créer une réflexion sur des choses qui “n’existent pas pour eux”, de découvrir des choses et de faire découvrir des lieux à ceux qui n’ont pas été capables de les rejoindre tous seuls »[18]  affirme Marin.
   Nous croyons qu’au-delà de l’univers esthétique dont chaque œuvre d’art peut nous rendre conscients, dans l’exposition de Marin à Pietrasanta plusieurs “espace-temps” sont impliqués. Le rapport entre les sculptures et le contexte crée une dimension nouvelle qui ne peut pas être identifiée ni avec l’imaginaire de l’artiste, ni avec la place du Dôme. Il s’agit d’une transformation de ces éléments dans quelque chose d’unique et limité au temps de l’exposition.
  


Notre Monde du Nouveau Monde : voyage au bout d’une rencontre


« De 3 en 3, notre monde du nouveau monde », comme si les sculptures de Javier Marin voyageaient au rythme d’une valse du Mexique à l’Italie. Ses œuvres, démontées et  mises dans des boîtes, partent de son atelier pour arriver à Pietrasanta. Ensuite, elles se recomposent sur la place du Dôme : trois têtes, trois chevaliers noirs et blancs et rouges. Notre petite Athènes toscane est visitée par des voyageurs d’outre-océan, du Nouveau Monde.
Finalement, comment définir nôtre monde et le Nouveau monde (les Amériques) ? Une division si stricte de la terre ne rend pas justice aux milliards de différences qu’y résident. Nous sommes tous égaux et pourtant différents, nous vivons sur la même terre et pourtant dans des nations séparées, nous crions à la globalisation et il existe encore des peuples qui demandent la reconnaissance de leur culture. Comment peut-on être si universels et si particuliers en même temps, si liés à notre individualité et ultra-connectés avec l’extérieur ? La relation à autrui semble incompréhensible, pourtant nous sommes toujours en relation avec autrui.
La globalisation nous amène à des paradoxes. Ce que Marin affirme avec son exposition à Pietrasanta est l’existence des différences dans cette image du monde qui voudrait les effacer. Il montre l’altérité de son pays ; bien que conquis par les Espagnols et influencé par la culture européenne, il ne peut pas se défaire de ses origines. Si parfois nous oublions notre point de départ, l’artiste s’en souvient et le synthétise dans son travail, il l’exprime au-delà du concept, sensiblement.
« Le vrai risque du monde global est l’homologation des cultures et des mémoires, la suppression des différences et leur réduction au mélange linguistique indistinct. »[19]
Cependant, la manifestation de notre identité doit se faire avec attention. Nous oscillons facilement entre l’affirmation et l’annulation de soi, entre la soumission de l’autre et l’oubli de nous-mêmes. Dans la réalité, il semble de plus en plus difficile de trouver un équilibre, ouvrir un dialogue souhaitable pour toutes les parties. D’un côté, Nicolas Bourriaud[20] a bien raison d’affirmer qu’il n’est plus possible de regarder les racines avec nostalgie, qu’il faut quitter notre conscience malheureuse pour regarder devant nous. De l’autre, il nous semble impossible que l’homme, même dans ce monde fluide d’échanges et de départs, puisse si facilement laisser tout derrière soi, envisager un futur en excluant le passé. Comme le dit Octavio Paz par rapport à la Révolution mexicaine, « le Mexique cherchait le présent au-dehors et voilà qu’il le trouvait en lui, enterré mais vivant. La quête de la modernité nous a conduits à la découverte de notre antiquité : le visage voilé de la nation… entre tradition et modernité il y a un pont. Isolées les traditions se pétrifient et les modernités se volatilisent ; ensemble, elle se complètent : la modernité aiguillonne la tradition ; de son côté, la tradition est le répondant de la modernité, elle lui donne poids et gravité. »[21]
Javier Marin ne veut pas conquérir Pietrasanta, il ne peut pas parce qu’il y est étranger. Il insère les œuvres de façon à ce que le spectateur puisse interpréter un dialogue dont les deux langues soient bien compréhensibles. Il s’agit d’une juxtaposition, d’une traduction avec texte en regard. Marin laisse s’exprimer deux cultures ; la proximité entre elles souligne les différences et fait surgir des points de vue nouveaux dans le public. Si le sens des sculptures était inachevé dans l’atelier de Marin à Mexico, chaque spectateur peut l’accomplir à Pietrasanta en le traduisant dans sa propre langue.

Après le parcours de l’exposition, nous avons visité la galerie Barbara Paci, très proche de l’église de Saint Augustin. Elle représente Javier Marin en Italie et s’est occupée de « De 3 en 3 ». La proprietaire et Monsieur Ghelfi traitent leurs clients comme des hôtes, dans une atmosphère très familiale. Quand ma mère et moi sommes entrées, ils n’ont pas hésité à nous parler de Javier Marin. Ils ne l’ont pas fait comme de simples représentants, nous pouvions remarquer leur orgueil et leur admiration envers cet artiste, désormais parti de Pietrasanta. En effet, non seulement le sculpteur avait déjà exposé en 2007 dans la galerie de Barbara Paci mais, depuis, il a souvent séjourné dans la petite Athènes afin d’apprendre le travail du marbre.
Ce n’est pas le seul échange à l’intérieur de l’histoire de « De 3 en 3 ». Si Marin est devenu “étudiant” dans les laboratoires de Pietrasanta, l’architecte de l’exposition du 2008 a découvert l’horizon de Mexico. Giulio Lazzotti avait demandé deux choses à Barbara Paci : un technicien pour les lumières et de partir dans la ville de Marin. Pour quelle raison ? Pour traduire. Nous revenons ainsi à ce qu’on vient d’écrire plus haut. Même si les œuvres ont été créées ex profeso pour Pietrasanta, comme dans un in situ, l’architecte devait s’occuper de la “mise en scène”. Pour ce faire, il ne pouvait pas trahir le concept de Marin. Il devait interpréter en premier les œuvres dans leur contexte d’origine afin de les mettre en relation avec Pietrasanta et donner au public la possibilité d’une traduction. En parlant de Mexico, Giulio Lazzotti affirme :
« Là-bas, en visitant le Musée anthropologique et les lieux de travail de l’artiste, j’ai compris exactement comment je devais organiser l’exposition. La grande énergie qui s’a fusionné tout autour de l’événement – avec les amis, les techniciens et les collaborateurs qui ont travaillé en harmonie dans un grand respect réciproque – a fait le reste. »[22]

Dans « De 3 en 3 » tout est mouvement et tension vers d’autres lieux. Les sculptures sur la place du Dôme sont de passage comme tous ceux qui ont parcouru la Via Francigena, il y a des siècles. Marin donne à ses œuvres dynamisme et rythme, les insèrent dans le temps, comme si elles suggéraient une narration. De plus, le concept de l’exposition, en tant que trajet du Nouveau Monde à notre monde, transforme les sculptures en objets vivants.
« Les signes que le voyageur rend visibles dans la ville, la région ou le pays qu’il visite, renvoient toujours à un ailleurs supposé perdu ou à venir. En poussant à l’extrême, on peut dire que le temps chasse l’espace, ou plutôt, en détruit l’homogénéité interne. »[23] Les sculptures de Marin nous donnent l’envie de les suivre. Leur tension envers d’autres lieux nous rend conscients de notre mobilité et nous ouvre à un espace d’action.
La fascination du public vis-à-vis des œuvres de Marin a obligé le spectateur à se déplacer sur la place du Dôme. Il n’est pas douteux que les amateurs voyageront pour les voir dans d’autres contextes. En effet, « De 3 en 3 » a continué son voyage et le continue encore. Même si elle a été conçue in situ, les œuvres ont été exposées à Milan, Der Haag (La Haye) et pendant l’été 2010 partiront à Bruxelles. Pour ceux qui ont vu les sculptures sur la place du Dôme de Pietrasanta, les voir en photo ailleurs provoque une émotion étrange. Nos avons l’impression de lire le carnet de voyage de quelqu’un, comme si les œuvres avaient pris l’avion pour arriver là-bas. Il ne s’agit pas d’une sensation de déracinement, mais il faut du temps au spectateur d’élaborer une nouvelle traduction. Le lieu a changé et la sémantique des sculptures a gagné différentes nuances. En d’autres termes, le texte reste le même, la traduction produite par la situation et le spectateur apporte des changements, des points de vue nouveaux.
En imaginant le voyage des œuvres, il n’y a pas de confins territoriaux dans l’itinéraire que nous nous construisons. Pourtant, la traduction que nous demandent les œuvres, n’est pas en anglais ou dans une langue passe-partout qui simplifie les choses même en gardant des tensions cachées. Les œuvres nous demandent le transfert de leur sémantique à la nôtre. Même si nous croyons que l’altérité n’est jamais totalement connaissable, ce qui est important est la tension envers autrui. Pour ne pas vivre comme une condamnation la cohabitation sur la planète, ni vouloir en faire une fête de la complaisance, il faut maintenir l’intérêt envers l’autre tout en gardant nos différences.
Le voyage du Nouveau monde au Nôtre est l’occasion de sortir d’une image globale et indistincte de la planète pour descendre là où nous habitons chaque jour. Une vision horizontale et attentive de la réalité nous permettrait de percevoir l’existence de plusieurs dimensions. Au lieu de regarder la terre en se mettant du côté du ciel, il faudrait, peut être, y marcher afin de le redécouvrir.


Conclusion


L’exposition « De 3 en 3. Notre monde du Nouveau monde » nous a donné l’occasion de comprendre comment l’art peut devenir le champ d’un dialogue entre cultures. Dans notre article, nous sommes partis d’une expérience esthétique personnelle, particulière, pour l’élargir vers un point de vue objectif et plus universel.
Javier Marin a réussi à transformer la Place du Dôme de Pietrasanta non seulement en une exposition mais en un évènement esthétique ouvert à l’action du public. D’un côté, les œuvres semblaient se déplacer hors des contraintes matérielles, de l’autre le spectateur construisait une narration en se promenant autour d’elles.
Nous avons découvert que la sensation de mouvement ressentie originairement, dérivait non seulement du travail formel de l’artiste, mais aussi du sujet de l’exposition ainsi que de la mise en scène des sculptures. Il ne s’agissait pas seulement de montrer des œuvres mais de créer une narration dont elles étaient les protagonistes. Alors, l’exposition est devenue pour nous la possibilité d’évaluer notre monde par le biais du “Nouveau Monde”.
La présence d’un univers différent, celui de l’artiste et de son origine, nous a obligés à une traduction. Dans le transfert d’une sémantique à l’autre, il faut non seulement connaître la langue étrangère mais maîtriser parfaitement la sienne dans toutes ses nuances. Par conséquent, « De 3 en 3 » a ouvert un dialogue avec le public qui était soit esthétique soit éthique. Les sculptures demandaient à se déplacer pour être vues, mais le voyage que le spectateur accomplissait sur la place était autant physique que mental. Dans la dernière partie, nous avons vu que la place du Dôme avec l’exposition de Marin s’est transformée en un espace-temps qui était ni Pietrasanta ni le monde de l’artiste. Afin de pouvoir profiter de cette rencontre, nous ne pouvions pas rester passifs mais nous devions nous insérer dans le dialogue en tant que médiateurs.
En élargissant notre point de vue et en regardant le voyage de l’exposition sur la mappemonde, une autre cartographie s’est construite, au-delà de confins territoriaux des nations. Mexico-Pietrasanta-Milano-Der Haag-Bruxelles devient une boucle dessinée sur la planète. L’itinéraire des œuvres de Javier Marin nous a transportés vers de nouvelles traductions, il a formé en nous le désir du déplacement pour aller à la rencontre de langages différents.
Finalement, la diversité n’est pas une barrière, mais la possibilité d’étendre la réalité, qui semble souvent destinée à une seule dimension. Garder sa propre identité n’est pas le symptôme d’une clôture mentale mais l’occasion de mettre en discussion l’autre, de développer son sens critique et le rendre conscient de lui-même. Là où il n’y a pas de différences et de changements, il n’y a pas de vie. Tant que notre monde se confrontera avec un nouveau monde, soit-il réel ou fantastique, nous pourrons nous dire libres. Tant que les artistes donneront forme à leurs fantasmes et provoqueront en nous une sensation d’étrangeté, nous serons sauvegardés de l’homologation.

Le spectacle du monde se manifeste, l’artiste le regarde ; et nous ?




[1] Noreña Aurora, Paesaggi e cartografie en Javier Marin, Pietrasanta, Complesso di Sant’Agostino e Piazza del Duomo, 21 giugno – 31 agosto 2008, traduit de l’italien par Irene Panzani, “più che una strada stabile nel paesaggio, era una rete mobile conformata per una molteplicità di cammini che si modificavano o stabilivano durante ogni tragitto.”
[2] Paolucci Antonio, contribution critique en Javier Marin, Pietrasanta, Complesso di Sant’Agostino e Piazza del Duomo, 21 giugno – 31 agosto 2008, traduit de l’italien par Irene Panzani, “Non è facile essere accolti ed accettati a Pietrasanta. […] Qui, come un appuntamento estivo irrinunciabile, arrivano le elites dei critici, dei conoscitori, dei galleristi. L’artista che è stato scelto per occupaare la stagione artistica di Pietrasanta è consapevole di aver superato una selezione severa e di presentare la sua opera alla verifica implacabile di un pubblico di eccezione.”

[3] Lazzotti Giulio interviewé par Stefano de Franceschi, Versilia procuce, anno XV, agosto 2008, n. 62, traduit de l’italien par Irene Panzani, “devono essere pensate opere adatte, sopratutto di grandi dimensioni per non scomparire e  che abbiano con il contesto circostante un rapporto di convivenza e non di competizione.”
[4] Marin Javier, The istant, the intangible, interview, traduit de l’anglais par Irene Panzani, [en ligne], consulté le 5 mai 2010, http://javiermarin.com.mx/dona_eng.zip, http://javiermarin.com.mx,  “All of this is part of an aesthetic that I do not attempt to hide, on the contrary, I want to integrate it to show a weightier work.”
[5] Paolucci Antonio, op. cit.,Ha nostalgia della forma classica ed insieme la contraddice con consapevole determinazione. Cerca la dismisura e ne è affascinato. Rasenta il kitsch e al tempo stesso lo controlla e lo domina per pura forza di stile"
[6] Ibidem,  “Il Barocco è legittimazione dell'iperbole, della trasgressione e dell'oltranza, è il lasciapassare verso i territori incogniti della fantasia, dell'utopia, del sogno, dell'incubo.
[7] Fuentes Carlos, Los cinco soles de México, traduit de l’espagnol par Irene Panzani, Barcelona, Seix Barral, 2000, p. 422, “¿ No es el barroco un arte de desplazamientos que exige el movimiento del espectador para ser visto-y, lo más importante, para verse a si mismos ? El barroco no es arte frontal sino circular. […] En México, el barroco va más allá de la rázon sensual o intelectual de Europa para convertirse en una necesidad y una afirmación clamorosas, vitales. O más bien : en la afirmación de una necesidad. Tierra asolada, tierra conquistada, tierra de hambre y tierra de sueños : el barroco americano es
el arte de las carencias ; es la abundancia imaginaria de quienes nada tienen ; es el salto mortal sobre la barranca con la esperanza de caer, de pie, en el otro lado.”
[8] Recht Roland, L'habitant de la sculpture, in Histoire de l'art et anthropologie, Paris,
coédition INHA / musée du quai Branly (« Les actes »), 2009, [en ligne], consulté le 20 avril 2010, http://actesbranly.revues.org/92, p. 3
[9] Donà Massimo, Archetipi di un’altra umanità dans Venezia/Javier Marin/México/2003, traduit de l’italien par Irene Panzani, Venezia, mostra realizzata in occasione della 50esima Biennale di Venezia, Sala San Tommaso, Campo Ss. Giovanni e Paolo, 2003, p. 27, “I corpi cui dà ogni volta vera vita sentono, fremono davvero sensibilmente ; ma tale sentire è nelle loro membra condizione di possibiltà per una vera e propria grammatica dell’agire. Muovono e si muovono irrequieti.”
[10] Le non finito est une une désignation données aux sculptures inachevées par l'artiste, volontairement ou non.
[11] "Par la persistance des images sur la rétine, les objets en mouvement se multiplient, se déforment en se suivant, comme des vibrations dans l’espace qu’ils parcourent", Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, Gino Severini, La pittura futurista. Manifesto tecnico, Milan, 11 avril 1910, cité dans Johan Popelard, Giacomo Balla, Paris, XXI siècle éditions, 2008, p. 73
[12] Recht Roland, op. cit., p. 2
[13] Ibid., p. 9
[14] Donà Massimo, op. cit., p. 36, “vita che rifugga l’immobilità del semplicemente contemplabile, vita che muova all’agire, al mutare, a sempre nuovo divenire, che immunizzi cioè da qualsivoglia tentazione di comodo accasamento. In questo senso, le sue figure, davvero, non hanno “casa” ; ma vengono da una casa  […] e la confutano, la criticano, la purificano da improprie idolatrie vengono dalla casa di un’umanità che ha sempre solamente saputo fare esperienza di una lotta mortale tra il prima dell bruta animalità e il poi della quieta razionalità ; e vanno verso un abitare che non vuole più definire il proprio oikos, e dargli per ciò stesso una comunque rigida collocazione. Vanno verso un’infinitamente rinnovantesi instabilità.”
[15] Soleils mexicains, Paris, Petit Palais, 2000, p. 28
[16] Ibid., p. 32
[17] Donà Massimo, op. cit., p. 30, “l’artista opera infatti sulla materia, sulla fisicità ; ossia, sul sensibile : su ciò che ci tocca immediatamente e che precede dunque ogni fatia del concetto.”
[18] Marin Javier, op. cit., “I would like, through my work, to be able to touch people deeply, to create a reflection of the things that “do not exist for them,” to discover things and make others discover places they have not been able to reach by themselves.”

[19] Paolucci Antonio, op. cit., il vero rischio del mondo globale è l'omogeneizzazione delle culture e delle memorie, l'annullamento delle differenze e la loro riduzione a un impasto linguistico indistinto.”
[20] Voir Bourriaud Nicolas, Radicant, pour une esthétique de la globalisation, Paris, Denöel, 2009
[21] Paz Octavio, Discours de Stockholm, la quête du présent, traduit de l’espagnol par Jean-Claude Masson, Paris, Gallimard, 1991, p. 24

[22] Lazzotti Giulio, op. cit., “Là, visitando il museo antropologico e i luoghi di lavoro dell’artista ho capito esattamente come dovevo organizzare la mostra. La  grande energia che poi  si è fusa tutt’intorno all’evento -  con amici, tecnici, collaboratori che hanno lavorato in armonia e grande rispetto – ha fatto il resto”
[23] Tiberghien Gilles, Le principe de l’axolotl et suppléments, Strasbourg, Actes Sud, Crestet centre d’art /La chaufferie, 1998, p. 13